Observatoire des Rythmes et des Temps de vie des Enfants et des Jeunes

Le 23 avril 2024, à l’initiative de l’ORTEJ, Eric Charbonnier, responsable pour la France des évaluations PISA a tenu une visio-conférence répondant aux questions que les membres du Conseil de l’ORTEJ avaient préparées, en particulier sur la « culture de l’évaluation, sur les rythmes scolaires et sur l’autonomie des établissements ».

Vous pouvez voir ou revoir la conférence dans la vidéo ci-après :

Synthèse de la conférence :

Eric Charbonnier rappelle tout d’abord que l’OCDE qui porte le dispositif PISA est un organisme international qui regroupe plus de 200 collaborateurs travaillant sur différentes thématiques dont l’éducation qui est devenue un moteur de développement social. La seule façon d’avoir des citoyens adultes éclairés, c’est d’avoir un système d’éducation performant. Mais l’OCDE travaille sur différentes thématiques et élabore un certain nombre de recommandations. Le prochain rapport de TALIS qui paraît tous les 5 ans et analyse le travail des enseignants et leurs difficultés sortira en 2025, mais le précédent a permis de mettre en avant le manque de valorisation, l’absence de coopération entre les enseignants du second degré et des problèmes dans la formation initiale et continue.

Culture de l’évaluation

Les responsables de PISA coopèrent avec les ministères en charge de l’Éducation des pays engagés. Ces derniers proposent des séries d’exercices (plus de 500 au total traduit dans tous les pays) qui sont testés, étalonnés et analysés pour n’en garder qu’une centaine. La coopération des différents pays impliqués permet l’évitement des « biais culturels ». PISA n’est pas une évaluation des programmes scolaires. Il s’agit de questions en lien avec la vie en société. Les évaluations sont conduites sur ordinateur et un rapport technique est établi à la suite des passations.

Lors des premières évaluations PISA (en 2002), plusieurs pays ont analysé les résultats de leurs élèves pour mettre en place des réformes. A contrario, en France, ces résultats ont été critiqués, dénonçant certains biais dans les contenus. Depuis, elle a basculé dans une culture de l’évaluation qui s’est progressivement renforcée. Bon nombre de catégories d’indicateurs de PISA sont repris dans les évaluations nationales et on évalue aujourd’hui à peu près à tous les niveaux.

Certes, « on ne pilote pas par l’évaluation », mais l’évaluation permet parfois de mesurer des défaillances et de proposer des recommandations susceptibles de faire évoluer les systèmes éducatifs et de renforcer les collaborations entre les établissements. Il faut regarder les résultats au niveau des établissements pour engager des réflexions, des débats et des échanges. Les évaluations nationales de CP montrent par exemple qu’au bout d’un semestre, les garçons réussissent mieux en mathématiques que les filles. La question est de comprendre pourquoi et pour cela il faut aller au plus près du terrain pour voir en quoi telle école réussit mieux que telle autre. Les échanges de bonnes pratiques ont beaucoup de mal à se faire en France, contrairement à ce qui se fait dans d’autres pays comme l’Irlande ou l’Estonie.

Les résultats des élèves français de quinze ans se situent dans la moyenne des pays de l’OCDE, mais les inégalités sociales sont plus profondes qu’ailleurs. En revanche, les inégalités de genre se situent dans la moyenne, contrairement à ce qui se passe en Finlande où les garçons montrent des performances nettement inférieures à celles des filles. Les différences existent aussi entre les établissements scolaires, parfois entre des établissements proches avec des publics similaires. Les élèves des lycées professionnels, plus en difficulté en général, ont des résultats nettement inférieurs à ceux des autres élèves. De même, les résultats des élèves issus de l’immigration, de milieu défavorisé pour la plupart, obtiennent de moins bons résultats. Aujourd’hui, le redoublement de classe a régressé et les élèves s’estiment moins anxieux, malgré une dégradation du climat scolaire (1 élève sur 2 se plaint du bruit dans la classe). Les élèves s’estiment en outre peu soutenus par leurs enseignants.

Malgré tout, le niveau d’éducation en France est considéré comme satisfaisant. De nombreux indicateurs le montrent. 50% des élèves poursuivent leur scolarité dans le supérieur, ce qui est plus que la moyenne, et grâce à plusieurs réformes importantes, on compte aujourd’hui moins de cent mille décrocheurs contre cent cinquante mille il y a dix ans. On sait que la qualification est particulièrement importante parce que le taux de chômeurs des jeunes sans diplôme est de 25% contre 6% pour les jeunes avec un diplôme de l’enseignement supérieur.

 

Rythmes scolaires :

Eric Charbonnier renvoie au « rapport d’orientation sur les rythmes scolaires » de Christian Forestier et d’Odile Quintin produit en juillet 2011.

Les constats internationaux montrent que la France est atypique. Tous les pays sont à cinq matinées d’école, voire six. Trente-six semaines de cours en France sur l’année contre trente-huit en moyenne. Le nombre d’heures de cours est supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE. La durée des vacances d’été est dans la moyenne (huit semaines). En revanche, les vacances intermédiaires sont plus nombreuses et plus longues. Pour ce qui est des enseignements, le nombre d’heures est lui aussi supérieur à la moyenne et on consacre à l’école primaire 38% du temps des apprentissages à la compréhension en lecture. Il y a donc absence de corrélation entre le temps passé à l’école et les résultats. Le problème en France, c’est qu’il n’y a pas d’évaluation des dispositifs mis en place. Les réflexions engagées seraient à associer avec l’aspect qualitatif, ce qui n’est jamais fait. 

Autonomie des établissements :

Elle est à définir. Il s’agit de voir si elle va jusqu’au recrutement et au choix des enseignants. Elle devrait permettre d’offrir des possibilités de formation à la demande. Notre système scolaire est très centralisé. A tous les niveaux, les acteurs attendent des directives de leurs supérieurs. La Finlande, l’Estonie, la Pologne ont un fonctionnement beaucoup plus local à partir d’objectifs définis par le ministère de l’Éducation. En France, les comparaisons entre les établissements ne se font pas et notre système n’encourage pas la collaboration entre les enseignants. Un chef d’établissement sur dix déclare être allé dans la classe d’un enseignant et on a moins de deux enseignants sur dix qui sont allés voir comment leurs collègues travaillaient. Cette collaboration constitue un facteur d’autonomie des établissements, mais cela suppose de la formation pour préparer les acteurs à passer de leur fonctionnement actuel à davantage d’autonomie et en améliorer ainsi la dimension qualitative.

De même la constitution des groupes de niveaux (ou groupes de besoin) aurait dû passer par une phase d’expérimentation avant d’envisager la généralisation. Par ailleurs, il fallait examiner le coût financier et humain que représente la mise en place de ces groupes. Cela aurait permis d’obtenir l’adhésion des enseignants et leur implication au service des élèves les plus en difficulté.

Conclusion :

Il ne faut pas tomber dans le pessimisme, la France est un pays trop exigeant avec l’école. Mais il y a des enjeux importants sur le métier d’enseignant, sur l’orientation et sur les filières professionnelles. Nous avons besoin d’enseignants au niveau master, mais à un niveau de formation de spécialistes de l’éducation. La qualité d’un système éducatif se mesure à la qualité professionnelle de ses enseignants. Enfin, il faut laisser du temps aux réformes, passer par des phases d’expérimentation avant de généraliser, évaluer qualitativement ces réformes en se gardant des injonctions contradictoires.