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Les thématiques de l’ORTEJ

  • Conciliation des temps de vie

    Comment concilier les temps de vie des enfants, des familles, des professionnels de l’éducation en visant le bien-être de tous et le développement optimal des enfants ?

    Éducation et développement de l’enfant

    Quels sont les dispositifs éducatifs et les initiatives les plus adaptées à la prise en compte des rythmes biologiques et psychologiques dans le développement de l’enfant ?

    Chronobiologie et chronopsychologie

    Comment les rythmes biologiques, psychologiques et sociaux influent sur l’action éducative ?
    Quelles sont les concepts, théories et travaux scientifiques sur les rythmes touchant d’autres enjeux ou populations et pouvant éclairer cette problématique ?

La semaine de 4 jours : le retour !

Par François TESTU

Je pensais après la parution en 2010 du rapport d’information de l’Assemblée Nationale sur les « rythmes scolaires », adopté à l’unanimité et, à la suite des mesures prises par le Ministre Peillon pour refonder l’école primaire, qu’enfin les emplois du temps scolaire seraient plus respectueux de l’enfant, de son développement et de ses rythmes comportementaux et biologiques. Ce fut le cas à partir de 2013, mais je crains bien que les mesures allant dans ce sens ne soient que passagères… et que l’on privilégie à nouveau les adultes.
La reconnaissance de la spécificité enfantine avait conduit les adultes à débattre des « rythmes scolaires ». Il fallait trouver en matière d’aménagement du temps scolaire le moins mauvais des compromis entre la satisfaction des intérêts de l’élève et la réponse aux besoins des adultes. La refondation de l’école initiée en 2012, s’inscrivait dans ce débat. Il s’agissait, d’une part, d’adapter les emplois du temps aux rythmes de vie des enfants des enfants et de favoriser ainsi la réussite scolaire, et, d’autre part, d’instaurer la complémentarité éducative. Les décideurs avaient entendu la communauté scientifique, notamment les chronobiologistes et les chronopsychologues. Que disaient-ils ?
- La réussite scolaire peut être atteinte et améliorée en plaçant l’enfant dans un environnement respectueux de ses rythmes de vie,
- Les résultats vérifiables et reproductibles des recherches scientifiques en chronobiologie et chronopsychologie montrent que trois rythmicités doivent être respectées en priorité : l’alternance régulière veille-sommeil, les variations journalières de la vigilance et de l’activité intellectuelle, les variations annuelles de moindre résistance. Ils indiquent que la semaine de 4 jours doit être bannie.
Il est donc nécessaire de rappeler de nouveau encore ce qui a été établi expérimentalement depuis 30 ans.
- La semaine de 4 jours non seulement ne respecte pas les rythmes journaliers de l’activité psychologique et physiologique de l’élève, mais surtout, elle génère une baisse de la vigilance, voire des comportements d’inadaptation à l’école.
- la semaine de 4 jours sans une politique socioéducative périscolaire et extrascolaire d’accompagnement accentue et allonge les effets perturbateurs du week-end sur l’adaptation à la situation scolaire. Cela se traduit par une désynchronisation des rythmes biologiques et psychologiques journaliers les lundi et vendredi après-midi, désynchronisation source de fatigue, de mauvaises performances et de désintérêt. Il ne reste que le mardi et le jeudi pour profiter d’une pleine écoute des élèves et, par là même, les surcharger des disciplines dites fondamentales.
- Accorder une demi-journée supplémentaire de congé n’est nullement profitable à des enfants livrés à eux-mêmes en dehors de l’école. La libération du temps n’est pas synonyme d’épanouissement, d’éveil et d’intégration. La semaine de 4 jours creuse le fossé entre ceux qui bénéficient d’activités périscolaires et ceux qui n’en bénéficient pas.
Je ne fais là que résumer les travaux permettant d’évaluer l’impact chronobiologique et chronopsychologique portant sur la vigilance, le sommeil, les comportements des élèves en semaine de 4 jours [1]
et je confirme ce que les scientifiques spécialistes de l’étude des rythmes de l’enfant ont indiqué unanimement en 1994 et 1995 [2].

Alors qu’aucun argument objectif ne plaide en faveur d’une semaine scolaire de quatre jours, pourquoi proposer de nouveau, aujourd’hui, cet aménagement optionnel instaurant l’irrégularité dans la vie de l’enfant ?
Plusieurs raisons peuvent être invoquées :
• Les travaux scientifiques existent, mais sont ignorés par Monsieur le Ministre, travaux qui existent même en psychologie cognitive !
• Les adultes ignorent ou feignent d’ignorer que le retour à la semaine de 4jours est préjudiciable aux enfants en général et plus particulièrement aux enfants en difficulté, à leurs rythmes de vie, à leur comportement, à leur adaptation scolaire.
• C’est une solution démagogique, peu onéreuse et radicale pour satisfaire à la fois certains parents, enseignants et maires.
• L’économie primerait et l’enfant serait oublié. Quel dommage quand on souhaite la réussite éducative pour tous !
C’est la poursuite de l’originalité française dans l’élaboration des emplois du temps scolaires hebdomadaires : hier la coupure du jeudi, aujourd’hui la semaine des 4 jours !
Ce n’est pas un recul mais une reculade.

François Testu
Président de l’Observatoire des Rythmes et Temps de vie des Enfants et des Jeunes (ORTEJ)
Professeur émérite en Psychologie. Université de Tours

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Notes

[1Testu F. (2008) « Rythmes de vie et rythmes scolaires. Aspects chronobiologiques et chronopsychologiques », Paris, Masson.
Testu F. (2015) « Rythmes scolaires : de l’enfant à l’élève » Paris, Canopé.

[2Leconte, Montagner, Reinberg, Testu, Touitou , Vermeil article publié dans le Monde ( 20 octobre 1995) et dans le Qutotidien du Médecin ( 13 juin 1995)

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