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Les thématiques de l’ORTEJ

  • Conciliation des temps de vie

    Comment concilier les temps de vie des enfants, des familles, des professionnels de l’éducation en visant le bien-être de tous et le développement optimal des enfants ?

    Éducation et développement de l’enfant

    Quels sont les dispositifs éducatifs et les initiatives les plus adaptées à la prise en compte des rythmes biologiques et psychologiques dans le développement de l’enfant ?

    Chronobiologie et chronopsychologie

    Comment les rythmes biologiques, psychologiques et sociaux influent sur l’action éducative ?
    Quelles sont les concepts, théories et travaux scientifiques sur les rythmes touchant d’autres enjeux ou populations et pouvant éclairer cette problématique ?

Qu’est-ce qu’une évaluation ? Pourquoi évaluer ?

Comment évaluer un mode d’aménagement des temps scolaires ?

Par Daniel ALAPHILLIPPE

Dans notre vie professionnelle comme dans notre vie personnelle, nous sommes souvent confrontés au besoin de savoir si une méthode, une procédure, une technique ou une façon de faire en général est efficace par rapport à un objectif à atteindre, voire plus efficace qu’une autre.
La vie pratique et l’histoire des idées nous apportent quelques éléments pour répondre à cette nécessité.
On peut faire confiance aux croyances, prier pour que ça marche, se livrer à des pratiques magiques, ou encore à l’avis du plus grand nombre ou de ceux qui crient le plus fort.
Le recours à l’autorité offre également une réponse pratique. On recherche alors la réponse auprès du chef, guru ou du leader charismatique. Les plus âgés peuvent être un bon recours dans certaines sociétés ou encore les vedettes du petit ou grand écran dans d’autres.
Procéder par essais et erreurs constitue une efficace procédure d’apprentissage dans une perspective darwiniste. On essaie et on ne garde que ce qui marche. A travers la série animale, on acquiert ainsi la base des comportements et sans doute même en partie celles du langage chez les espèces qui en sont pourvues.
Enfin les philosophes grecs ont inventé une démarche originale quelques siècles avant notre ère, formalisée à la Renaissance notamment par Galilée et quelques autres : l’administration de la preuve par la méthode expérimentale. Nombre de ces premiers praticiens finirent sur les bûchers de l’inquisition pour avoir remis en cause les croyances dominantes. Il faudra attendre le début du 20ème siècle pour voir cette méthodologie appliquée aux sciences humaines en opposition à une forte résistance des philosophes de l’époque (Victor Cousin ou Henri Bergson par exemple) introduisant ce que certains auteurs comme Gaston Bachelard ont appelé une coupure épistémologique.
Les aménagements des temps scolaires n’échappent pas à ce questionnement. Comment savoir si un mode d’organisation est plus ou moins performant ? L’Ortej propose d’appliquer la méthode expérimentale à l’évaluation des aménagements à travers une comparaison systématique des pratiques et une évaluation méthodologiquement fondée et reproductible de leurs effets.

Comment procède cette méthode d’administration de la preuve ?

Une telle démarche part toujours de savoirs préalables. Elle repose en premier lieu sur une formalisation de ces savoirs, représentations, croyances et connaissances dans le champ considéré. Une part d’entre eux relève du domaine objectif. Ils s’opposent aux opinions, stéréotypes, représentations, rumeurs qui constituent autant de connaissances subjectives. Quant à l’aménagement des temps scolaires les savoirs objectifs nous sont apportés par la Chrono biologie et la Chrono psychologie.
De cet ensemble disparate il est nécessaire de dégager une problématique. Il s’agit de repérer des variables : les éléments pertinents affectés de variations systématiques agissant dans le champ considéré. On distingue d’une part les éléments sur lesquels on peut agir : les horaires, la répartition des activités dans le temps, la couleur des murs de la classe ou l’âge du professeur, etc. D’autre part, on recherche les effets attendus qui peuvent être observés et même parfois mesurés tels que l’attention, les marqueurs de la fatigue, les performances scolaires, l’estime de soi ou le sentiment d’efficacité. On est alors en mesure de formuler des hypothèses ou idées qu’on se fait a priori, de l’effet de la variable A sur la variable B. Cette démarche relève d’un nécessaire travail théorique préalable.
Il reste à vérifier le bien-fondé de ces hypothèses. Pour ce faire on va mettre en place une procédure d’administration de la preuve. Elle consiste en une opération de superposition de la représentation théorique, hypothétique, et du réel. Pour ce faire on va avoir recours aux techniques d’investigation propres à chaque discipline scientifique. Si on a besoin d’un accélérateur de particules en physique théorique, les sciences humaines utiliseront quant à elles le plus souvent les outils du questionnement et de l’observation.

Les sciences humaines travaillent sur une réalité multi factorielle difficilement modélisable dans le cadre du laboratoire des sciences plus anciennes. Il implique en conséquence de matérialiser le réel à travers un champ d’observation homogène dont les éléments soient équivalents et comparables. Pour ce qui concerne notre objet, il nous faudra identifier différents environnements géographiques, enseignants, groupes scolaires, susceptibles d’être considérés comme équivalents pour être comparés en fonction des seules variables objets de l’investigation. Lorsqu’on a mis en place l’ensemble de ces éléments on peut enfin se confronter au terrain et recueillir des données.
Le traitement des données permet de répondre à une seule question : nos hypothèses étaient-elles pertinentes ? Se trouvent-elles vérifiées après leur confrontation au réel ? La réponse est oui ou non ! Elle constitue une connaissance prouvée et vérifiable. Il n’y a qu’une façon de la contester, c’est de reproduire la démarche qui a été à l’origine de sa production. Une connaissance scientifique valide est une connaissance qui résiste aux tentatives pour la prendre en défaut (principe d’invalidation de Karl Popper). On n’est jamais assuré de la véracité d’une connaissance mais seulement de sa résistance aux tentatives pour l’invalider.
Les connaissances ainsi produites viennent modifier les savoirs initiaux en les confortant ou bien en les contestant. Dans un cas comme dans l’autre, elles permettent de formuler de nouvelles hypothèses qui a leur tour pourront être investies dans une procédure expérimentale d’apport de la preuve.
Il en va ainsi de l’évaluation des modes d’aménagement du temps scolaire. On ne peut évaluer la pertinence d’une organisation qu’à travers une recherche fondée méthodologiquement et reproductible. C’est précisément ce caractère reproductible des résultats qui peut conforter l’idée qu’un aménagement est plus efficace qu’un autre.

Daniel Alaphilippe
Professeur en Psychologie sociale
ORTEJ et Université François Rabelais-Tours

Twitter @ObsORTEJ

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